Un constat
Beaucoup trop de violences sont faites aux enfants. Je parle de ces violences qui détruisent de l’intérieur, sans laisser de bleus ni d’écorchures visibles. Je suis souvent désarçonnée en entendant le ton et les mots qui leur sont assénés. Je trouve qu’ils sont parfois traités comme des déchets.
Comme si entre les lignes, le message était « tu n’es qu’une merde, tu ne vaux rien, sache-le« .
Et cette violence, cette véhémence, cette maltraitance est partout, tout le temps.
Dernièrement, me voici entourée d’adultes. Il y a un papa. Chaque fois qu’il s’adresse à son petit de 2 ans et demi, il est agressif. Le reste du temps, il est sympathique.
L’un des profs de ma fille. Doux. Patient. Je le trouve top. Et puis, je le vois avec son fils. Une maladresse tout à fait involontaire, sans conséquence et de son âge… la riposte est immédiate. Le ton est désagréable. Nous ne sommes pas dans l’autorité affirmée. Nous sommes dans l’abus de pouvoir.
« Tu te calmes, sinon tu vas copier des lignes dans ta chambre ».
Je me dis. « Il y va vite quand même ».
De retour, en voiture j’y repense. Et je pense aussi à cette maman qui fait courir son petit en le tirant par le bras, pour arriver à l’heure, en négligeant qu’il pleure.
Je pense à cette femme qui en faisant descendre sa fille de voiture lui assène , « de toute façon, avec ton caractère, ça ne m’étonne que tu n’aies pas d’amies« .
Je pense à ce papa qui regarde dédaigneusement son fils en pleurs et lui signale « tu peux toujours faire ton cinéma« .
Je pense à cette collègue qui raconte qu’à son fils qui a été puni, elle lui a dit « qu’est-ce que t’as encore fait comme connerie? ».
Je pense à cette maîtresse qui crie à l’enfant, triste de quitter son papa « Regardez ça ce gros caprice! ».
Je pense à cette mère qui dans un club de vacances, glisse à son fils « continue comme ça, et tu vas voir ta raclée en rentrant«
Ces adultes français : super sympas avec les enfants des autres.
Super désagréables avec leurs propres enfants.
Pourquoi ?
Des hypothèses.
Est-ce lié à la vision qu’ils ont de ce qu’est l’éducation ?
De ce qu’est censé être un adulte éducateur ? Un parent ?
C’est touchant de voir combien ils sont adorables avec les enfants des autres.
Doux comme des agneaux. Patients. Indulgents. Ils relativisent tout. Ils pardonnent.
Mais dès qu’ils sont supposés éduquer, quand c’est LEUR enfant et non celui des autres, ils briment, rabaissent, oppriment, critiquent, jugent, menacent, rejettent, se moquent, humilient, et punissent.
Cet enfant-là n’est pas pardonnable. Cet enfant-là le fait exprès. Ils le connaissent. Ils ont l’habitude.
Et puis… c’est pas la première fois.
A tous les parents qui me lisent, je voudrais dire qu’éduquer ce n’est pas devenir odieux et maltraitants.
Les enfants ne deviennent pas méchants, tyranniques ou capricieux sous l’effet de la gentillesse.
Sous l’effet de la gentillesse, ils deviennent bons et aimables.
Sous l’effet du respect, ils deviennent respectueux et courtois.
Sous l’effet de l’écoute, ils deviennent attentifs et coopérant.
Sous l’effet de l’amour, ils deviennent attentionnés.
Mais sous l’effet de la tyrannie, c’est sûr, ils deviennent incontrôlables
Bref, voici ce que nous disent les chiffres:
👉 Selon l’OMS « 36,3% des enfants ont subi des violences psychologiques et 16,3% des négligences graves. »…
Personne ne me traite comme j’entends que l’on traite les enfants. Mais je sais que si on me traitais ainsi, je souffrirais. Je me sentirais brisée. J’aurais envie de me boucher les oreilles et de ne plus entendre. J’aurais l’impression d’être une merde. Je crois que peu à peu, je deviendrais une merde.
Alors on fait quoi?
Nous pourrions nous responsabiliser et participer à changer cela.
Si nous commencions à dire plus haut, ce que nous observons silencieusement.
Si nous arrêtions tous de nous taire et de fermer les yeux.
Nous pourrions interroger tout simplement:
« Tu es fâché? », « Qu’est-ce qui s’est passé? », « Mauvaise journée?«
Nous pourrions calmer:
« Oui, c’est dur, mais je t’assure, il ne le fait pas exprès« .
Nous pourrions montrer.
Prendre le ton adéquat. Se pencher vers le visage de leurs enfants.
Chuchoter gentiment la demande qui les a brusqués. Montrer que cela marche.
Que l’enfant écoute et coopère gentiment sans besoin de l’écorcher ou de l’effrayer.
Une invitation
Je vous invite à partager ceci.
Je vous invite à vous interroger pour faire grandir cette autre idée de l’éducation.
Cette idée qu’éduquer, c’est un peu comme conjuguer le verbe aimer.
Et que nous devrions le conjuguer chaque jour.
Remarque à ceux qui pourraient se sentir heurter qu’il soit question des « Français ».
Il n’est pas possible d’omettre que la manière dont on éduque dans un pays est une question éminemment culturelle. Les associations et études qui observent les VEO (Violences Educatives Ordinaires) n’en font pas abstraction. Chacun reconnaît d’ailleurs que les pays germaniques et scandinaves n’ont pas du tout le même rapport à l’enfant et à l’éducation.
« Ce à quoi tu résistes, persiste »
Un problème dont on n’accepte pas l’existence, ne peut pas trouver de réponse. Un problème que l’on aborde avec superficialité, n’aura que des réponses superficielles. Ici, il est question de regarder en face notre relation culturelle à l’éducation. C’est en acceptant qu’elle pose problème, que nous pourrons la faire évoluer. Et ceci ne s’oppose pas en rien à la sensibilité et l’empathie que l’on peut ressentir face aux difficultés des parents.