Il existe des ouvrages qui n’ont aucune bonne volonté, qui n’apportent rien, voire qui font du mal, piquent les yeux et agacent. Je vous le dis franchement, pour moi, le livre « L’éducation vraiment positive » fait partie de ceux-là.
Voici une dénommée Béatrice Kammerer (BK), journaliste autoproclamée « spécialisée en éducation et parentalité », titulaire d’un master en Sciences de l’éducation, et travaillant comme pigiste depuis 6 ans, qui vient nous faire la leçon sur ce qu’est vraiment, selon elle, la parentalité positive.
Que connaît-elle du sujet ?
Pas grand-chose. En tout cas absolument pas assez pour se poser en donneuse de leçon. Et pourtant, c’est bien ce que BK se propose de faire : nous donner une GRANDE leçon (et au passage donner la leçon à Isabelle Filliozat, Catherine Dumonteil-Kremer, Catherine Guéguen, Dan Siegel sur leur métier, leurs approches, leur réflexion, leurs propositions… ). Et vous allez voir dans cet article ce que cela donne…
Son livre fourmille d’a priori, d’interprétations, de confusions, d’incohérences et de graves erreurs d’analyse… Or le problème c’est qu’à l’heure de définir et critiquer un phénomène social, la rigueur analytique est essentielle.
Mais levons le doute : est-ce interdit de nous questionner sur l’éducation positive ?
Certainement pas. Et se questionner est même souhaitable et nécessaire. Mais gare à l’excès d’orgueil !
Il reste – à mon sens – très délicat de donner des leçons à des personnes ayant consacré 30 ou 40 ans de leur vie à leur domaine de spécialité, surtout quand, comme Béatrice Kammerer, on n’a pas encore suivi la moindre formation dans le domaine traité.
Oui, car BK n’a aucune formation en parentalité positive. Nada.
Pourtant, elle nous écrit un livre !
Et BK tente cet exercice périlleux et se rate brillamment.
Pour se prêter à l’exercice et vous mettre en confiance, BK commence par un exercice universitaire classique : remettre le sujet dans son contexte. Elle commence donc pas explorer la genèse d’une expression tombée dans le langage courant : Parentalité Positive. S’en suit une chronologie de l’évolution de la place de l’enfant dans la société.
Puis, elle propose sa propre définition de l’Éducation Positive, qui illustre bien la vacuité de sa compréhension:
« Nous en avons conclu que l’éducation positive proposait aux parents d’endosser le rôle d’un thérapeute qui accueille la parole et les émotions de l’enfant, qui tente de l’aider à les gérer, à les comprendre et à les dépasser tout en évitant de les prendre pour lui ».
… un peu comme si une petite partie d’un ensemble définissait l’ensemble…
… un peu comme si les parents s’étaient pris pour des thérapeutes…
Au fil du livre on trouve des pépites douloureuses :
« Je le dis et je le répète : même si les livres de parentalité se refusent à vous l’apprendre et vous font croire qu’il s’agirait là d’un égoïsme bien peut compatible avec votre mission éducative, votre bienveillance peut et doit commencer par vous-mêmes » ( !!!)
« Même si l’éducation positive évoque rarement les émotions négatives, certaines sont essentielles et ne devraient pas être systématiquement évitées »… ( !!!)
« En dépit de ce que disent les livres de puériculture, chercher comment dormir assez, manger régulièrement, rester en contact avec d’autres adultes, se ressourcer… devrait être une priorité absolue ! ».
Bref des a priori en cascades sur une idée de l’éducation positive totalement caricaturale bâtie sur les croyances populaires plus que sur des sources qualitatives. Le problème de rigueur analytique est entier.
A ce stade, autant vous dire que j’ai envie d’offrir de toute urgence un package complet en éducation positive à BK avec livre, formation, vidéo, LA TOTALE… car il y a en BK une ignorance abyssale du sujet qui ne demande qu’à être rempli et une capacité à interpréter, à manipuler les informations à son avantage qui laisse perplexe.!
Béatrice Kammerer parle d’une éducation positive, par nature, inégalitaire.
Thèse qu’elle étaye sur la base de ses propres impressions (!!!) qu’elle argumente aussi en tentant de récupérer à sa faveur une thèse en sociologie sur les discriminations liées aux niveaux de langage. Bref, rien d’autre au final. Le discours reste creux et subjectif.
Elle qualifie l’éducation positive de sexiste, mettant tout le poids sur les épaules des femmes.
Du coup, on s’interroge : n’est-ce pas là l’énoncé d’un problème qui touche l’éducation des enfants en général (et non l’éducation positive en particulier) ? Pour le prouver, elle précise : « il suffit de remarquer le petit nombre d’hommes présents dans les formations dédiées à la parentalité positive ». Explication légère et peu rigoureuse : le fait ne démontre pas la cause BK ! Il se pourrait que l’homme préfère apprendre d’une autre manière…
Sur plusieurs pages, on a le droit à la grande confusion maternage proximal/éducation positive.
Cododo, allaitement à la demande, DME, motricité libre… qui assouvissent la femme et prouve bien, selon BK, que la parentalité positive lèse la femme. Toujours le même problème de rigueur analytique. Il y a confusion entre le moyen et l’objet servi par ce moyen…
Puis BK décide de démonter les neurosciences.
Waouh quelle témérité !!
Le problème c’est qu’elle n’y comprend tellement rien que les confusions et approximations s’accumulent.
Elle s’attaque aux hémisphères cérébraux. « Il existerait 2 entités indépendantes et radicalement différentes dans notre cerveau façon Dr Jekyll et Mr Hyde ». Sauf que la défaillance de latéralité des hémisphères n’est valable que chez l’enfant dont le corps calleux est immature. Du coup, BK pense à une escroquerie, car elle cherche une resonance à cet énoncé dans l’univers adulte.
Elle argue que le modèle du cerveau triunique est faux. Je dirais plutôt que son interprétation caricaturale de ce modèle est fausse. Car tel que présenté dans l’article que je partage avec vous, il est un modèle explicatif de valeur qui replace le cerveau dans le contexte de son évolution. Ce modèle – qui n’a pas de réalité tangible (le cerveau n’est pas un puzzle en 3 pièces) et permet d’appréhender le cerveau d’une manière plus simple – fait encore largement le consensus de la communauté scientifique (en tant que modèle!).
En parlant des hormones du stress, BK a du mal à faire la part des choses. Notamment, elle reprend l’un des effets de l’ocytocine puis reproduit le témoignage d’un jeune scientifique inconnu qui s’insurge « Son rôle (à l’ocytocine) ne se limite pas du tout au comportement sociaux ». Mais BK, contre quoi te bats-tu ? Personne n’a dit que l’ocytocine n’avait d’effet que sur les comportements sociaux !
Puis, elle s’insurge que de toute manière, ce que nous appelons du stress pour un enfant ne relève d’aucune étude. Car le stress infligé dans les laboratoires se pratique sur des souris que l’on « maltraite » concrètement. Les observations ne seraient donc pas transposables sur les enfants puisque nous parlons de petits stress quotidiens…
Mais BK est très mal informée et mal documentée. Elle fait l’impasse sur les études longitudinales portant sur l’effet de l’attitude parentale (plus ou moins contraignante) sur le devenir des enfants, et je l’invite à s’intéresser urgemment aux travaux d’observation scientifique menés par John Gottmann pendant 30 ans.
Enfin, BK nous précise que nommer les émotions ne calme pas systématiquement.
Pour plaider en sa faveur, elle fait référence au travail de Bernard Rimé dont les travaux indiquent « que le partage social des émotions est loin de n’avoir que des effets positifs sur les personnes ». Eh oui, en science l’amalgame des mots, idées et concepts n’est pas permis Béatrice Kammerer : « partage social » et « nommer les émotions » ce n’est pas pareil.
Pour finir, Béatrice Kammerer se montre interpellée :
« on peut s’interroger sur le caractère abusif de cette expression obligatoire des émotions »- dit-elle.
Obligatoire ??? Oui, Béatrice Kammerer, tu peux être interpellée… ( !!!), car ce caractère obligatoire ne fait pas partie de l’éducation positive…
J’ai eu du mal à choisir les inepties que j’allais partager de ce livre.
J’en ai laissé d’innombrables sur le chemin.
Ce que je peux en conclure c’est que Béatrice Kammerer n’as rien compris, mais qu’elle a écrit un livre.
POINT.