Voici plusieurs semaines que je rumine ce sujet et cette réflexion sur la bienveillance et la complaisance et comment on devrait se soucier de ne pas franchir le fossé qui sépare les deux postures. Pour que vous compreniez mon état d’esprit,
Quelques points de repères…
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Dans ma pratique, je me place résolument du côté du bien-être de l’enfant.
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L’éducation positive – pratiquée avec sens et connaissance – ne peut être à la fois bonne pour les enfants et mauvaise pour les adultes. Cette croyance a la peau dure puisque de nombreux adultes clament qu’ils pratiquent la parentalité positive, tout en pratiquant une éducation paillasson où l’enfant devient incontrôlable avec des parents démissionnaires de leur rôle d’éducateurs. Mais, si une personne est vraiment dans la parentalité positive, elle ne devrait pas vivre une telle dérive. Car la parentalité positive (bien comprise et appliquée) est fondamentalement bonne pour tous.
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Je me place donc volontairement du côté de l’enfant. De cette manière, je suis aidante pour tout le monde. Si je ne le faisais pas et que je me plaçais du côté de l’adulte, le risque serait fort de me déconnecter de la réalité et des capacités de l’enfant et de ne servir que l’adulte et son désir de contrôler.
Quand la violence apparaît…
Quel rapport avec la bienveillance et la complaisance? Eh bien, je dois témoigner combien je me sens heurtée par les échanges qui ont lieu sur certains groupes se réclamant des approches d’éducation positive.
Par exemple, une maman partage qu’elle a craqué et qu’elle s’en veut (à mort) d’avoir mis une fessée à son enfant. Elle raconte avec détails tout le déroulement de sa montée en pression, de son pétage de câble jusqu’au moment fatidique de la violence ou l’on image sas peine la terreur que vit son enfant. Elle explique que ce n’est pas la première fois, mais qu’elle s’en veut, et qu’elle est désolée. et que… du coup, elle vient chercher du réconfort… 🤷♀️
Puis les commentaires s’enchaînent sous la publication. Des commentaires qui franchissent le pas de la bienveillance pour devenir complaisants. Car trop souvent (beaucoup trop souvent), les autres parents se veulent rassurants et leurs commentaires consistent à apaiser le tourment de la mère, la détaxer de ses responsabilités (« ce n’est vraiment pas votre faute, votre enfant est si difficile! »), à lui éviter le sentiment très utile de culpabilité (« ne soyez pas trop dure avec vous-même, vous faites de votre mieux » et à la féliciter de faire son mea culpa publique.
Quelques rares personnes bien sensées relèvent que ce n’est pas OK MAIS se font descendre par les autoproclamés « bienveillants » qui cherchent à consoler de la pauvre maman…
Et l’enfant dans tout ça ?
Le pas entre bienveillance et complaisance est franchi. La complaisance est la manière dont on s’accommode des agissements d’une personne de façon à lui plaire, à ne pas la froisser, ni la heurter. 👉 Et je vous le dis : la complaisance est dangereuse.
La complaisance est dangereuse pour l’enfant qui reçoit la violence de son parent, car la complaisance n’aide pas le parent à se remettre profondément en question.
La complaisance ne se place pas du côté de l’enfant victime, mais du côté d’un pauvre parent en difficulté et qu’il faudrait sauver, qui est aussi le plus en responsabilité face à l’être immature, fragile, dépendant qu’est l’enfant.
On peut pourtant être bienveillant sans être complaisant
Ce que la bienveillance n’est pas…
La bienveillance ne consiste pas à aider une personne à fuir son sentiment désagréable de culpabilité.
L’évitement des émotions (et le très compétent John Gottmann en parle largement dans son livre Raising an emotionnally intelligent child) n’est pas de l’intelligence émotionnelle.
La bienveillance face à une personne qui se sent mal à l’aise du fait de ses agissements, ne consiste pas à relativiser sa faute, à expliquer que le contexte s’y prêtait, à amoindrir le tort ou la portée de l’acte commis.
La bienveillance ce n’est pas non plus se rappeler que l’enfant est difficile et qu’il y a une coresponsabilité cachée. Car rappelez-vous que plus un enfant se comporte mal, et plus il nous montre qu’il souffre ! L’enfant n’est pas responsable de devenir un être éduqué. C’est à son parent que revient cette tâche. Si l’enfant est coresponsable on retombera vite dans « il l’a bien mérité ! ».
Dédouaner les parents de leurs agissements violents, humiliants, menaçants ou agressifsn’est pas bienveillant. Ceci est de la COMPLAISANCE.
Et la complaisance de l’entourage permet aux manipulateurs d’isoler leur victime sous des apparences bienveillantes, tout à fait trompeuses. Il m’est notamment arrivé de rencontrer une maman maltraitante qui se cachait derrière une parentalité positive soit-disant malmaitrisée. Ces agissements étaient graves.
Ce qu’une pratique bienveillante serait…
Être bienveillant consiste à se mettre du côté de l’enfant pour accompagner le parent.
Cela consisterait simplement à rester présent auprès de la maman en lui disant:
« Oui, c’est très mal ce que vous avez fait. Il est naturel et souhaitable que vous vous en rendiez compte, car de tels agissements sont une maltraitance grave sur votre enfant. La culpabilité que vous vivez est le signe que vous êtes prête à changer. Comment pourriez-vousfaire pour être sûre que cela n’arrivera plus ? Que pourriez-vous faire pour réparer le tort quevous avez commis auprès de votre enfant ».
Ici, nous aurions de la bienveillance. Il n’y aurait plus de complaisance.
J’en appelle donc à chacun et chacune à se mettre résolument du côté de l’enfant et à prendre conscience des conséquences importantes que la complaisance peut avoir dans sa vie.